Mon cousin Greg la Bouée est bouée archiviste dans les cryptes de la Bibliothèque du Monastère de Mont-Cassin. Au cas où, quelques livres songeraient à se noyer. Car les livres pensent peu à se pendre. Au cas où un incunable oublierait de fermer le robinet de la salle de bains.

Il aime jouer de l'harmonica dans les sombres couloirs humides qui sentent le vieux papier. Au jeu de la fortune, en se laissant glisser par les corridors, il opte pour la gauche ou pour la droite dans les galeries.

Et quitte à se promener seul, il dévore des livres en latin dans le texte, maîtrisant les déclinaisons comme un vieil Etrusque en exil chez les Puniques.

Par l'antre bénédicte, quand une moitié vient à lui manquer, il chuchote un mon amour, comme un signal de balise Argos. Et repéré par des réseaux orange, ou des cordelettes entre deux pots de yaourts bulgares comme des parapluies, à défaut de s'effondrer dans des bras amis, il déambule à contre-cœur son cœur entier.

 

A défaut de ville en fête et en délire, a défaut de soleil et de joie, j'entends dans la musique tes cris tes rires qui éclatent et rebondissent autour de moi.

Et perdue parmi les syllabes qui se bousculent, un mon amour plein et délié me jette vers toi.

- Je t'aime.
- Non.
- Si, je t'aime.
- Prouve le alors, (je cherche à varier mes répliques).

 

Revenons sur ce que je disais hier : duel et emballement sanguin, regards joués et complices, et lent effeuillage des sens. Le tango, même le faux, même celui qui ne se glisse pas hors d'un 78 tours d'un Maximo Diego Pujol, même celui qui n'a plus rien d'un milonga, d'une habanera, même celui qui n'est plus solennel, et qui sent ni la gomina, ni le tabac froid, ni les écorchures à l'épine de roses sur les lèvres, c'est stupéfiant. C'est juste que nous les bouées on a pas de pieds, pas de mains, qu'on se débrouille comme ça, dvd au bec, et qu'on ira au Moulin Rouge quand tous auront tant pleuré Satine.

 

- Je t'aime.
- Non.
- Mais si.
- Si tu m'aimes laisse-moi dire non.